Amritsar – Golden Temple

Ca faisait un moment que je n’avais plus pris de train, ça commençait presque à me manquer.

J’ai eu une idée lumineuse au Golden Temple hier soir. Lors de la visite de l’avant veille, le guide avait bien précisé que tout le monde pouvait apporter sa contribution au langar, cet espèce d’immense réfectoire, ce « resto du coeur sikh » qui sert quotidiennement et gratuitement plus de 40.000 repas.

L’idée, vu que je n’avais rien de prévu ce soir-là, c’était de me pointer, de faire un peu de bénévolat en backstage et puis d’aller pieuter. Outre l’aspect charitable de l’opération, j’étais aussi un peu poussé par la curiosité d’approcher cette grande machine de plus près. Au final, rien de plus et rien de moins que ce que j’avais déjà fait à maintes reprises dans divers festivals belges.

Je me pointe donc à l’entrée du langar vers 18h et je tente d’expliquer au mec qui distribue les bols d’eau que je souhaiterais donner un coup de main. S’il pouvait m’orienter vers le coordinateur du truc ce serait top. Il ne parle pas un mot d’anglais évidemment, mais à force de gestes, il finit par saisir l’idée… et me prend au pied de la lettre en me cédant sa place. Je prends donc le relais alors qu’il reste dans mon dos, surpris, dubitatif. Je commence à distribue la quincaillerie fraîchement lavée, je secoue les bols pour vider le fond d’eau de vaisselle avant de servir, de temps en temps il m’échappent et se vautrent dans un grand tintamarre. C’est un peu le bordel, mais bon, j’apprends les ficelles du métier, hein.

Quelques minutes plus tard, un vieux barbu armé d’un bâton vient me voir. Je l’avais déjà croisé la veille, il distribue de temps en temps des coups de canne pour se frayer un chemin. A son turban orange, je devine qu’il s’agit d’un des GO du langar (oui, point de T-shirt ici, on se reconnaît au turban). Il me cause en hindi, et je ne comprends pas bien s’il veut me virer, si j’ai commis une faute grave et je m’attends à tout moment à me prendre un coup de crosse dans les gencives. En fait non, il me demande juste d’aller me laver les mains. Je souris intérieurement en repassant aux conditions d’hygiène toute relatives du service mais, fair enough, j’obtempère.

Je reviens, montre littéralement patte blanche et je reprends la distribution, désormais drapé d’une certaine légitimité. Et je réalise que j’ai commis une erreur stratégique. Vu que ce poste se situe à l’entrée, l’intégralité des affamés défile devant moi. Ce qui signifie aussi que je suis bien blanc, bien visible et bien statique. Sachant qu’on m’arrête déjà deux-trois fois par jour pour faire un selfie avec moi dans la rue, je réalise assez vite que je risque d’être l’attraction de la soirée. Un peu comme si Rihanna venait distribuer de la soupe à la Gare Centrale, sans le déhanché évidemment. Mais bon, je suis en poste, mon prédecesseur s’est esquivé, trop tard pour reculer. Fallait pas faire le malin.

Je baisse les yeux, me concentre sur mes piles de bols, je troque mon sourire contre l’indifférence de rigueur chez mes coéquipiers – oui il paraît que je souris tout le temps, je ne compte plus les gens qui m’ont abordé sur cette base durant mon voyage, c’est excessivement désagréable. Bref, je tente de la jouer à l’indienne et petit à petit, je découvre d’autres subtilités : des grands et des petits bols. Forcément, les gros sikhs d’un m³ n’apprécient pas trop quand je leur refile un petit bol. Il y aussi des gens qui viennent chercher des bols pour y stocker des poignées de riz (ils viennent les mains pleines, littéralement).

Quelques jeunes font des photos en schmet, je les vois du coin de l’oeil. Il y aussi des « vhat-country ?» et des « vhat-your-name ?» lâchés vite fait. Parfois un mec ou une gonzesse s’attarde un peu à bavarder alors que c’est la ruée et que je gicle mes bols en tous sens. C’est assez drôle.
Au final, c’est du 50/50, certains sont (agréablement) surpris, d’autres viennent juste bouffer et sont complètement indifférent (ce sont mes préférés). Je ne sais toujours pas comment procèdent les bénévoles locaux, mais obviously, il n’y a pas beaucoup d’étrangers qui viennent bosser ici… La majorité des touristes se contentent d’un don de quelques roupies en échange de leur assiette de Dal.

Après 2h environ, le vieux barbu revient me causer. Mon hindi est toujours aussi bon, heureusement mon binôme me traduit : « 2 minutes : FINISH ». C’est quasi fini quoi, du moins pour moi. Ca tombe bien, j’ai super soif, ma nuque est raide. 20 minutes plus tard, je m’en vais comme je suis venu et je me mets en quête de la guest house du temple.