Suivant le principe qui m’avait bien réussi aux États-Unis – il y a déjà 7 ans – l’organisation de ce voyage était plutôt minimaliste. Un billet aller pour New Delhi, et un retour depuis Katmandou un mois plus tard. A peine 800km à vol d’oiseau entre ces deux aéroports, mais les distances ne sont que ce qu’on en fait. Et que ce soit en Inde ou au Népal, la ligne droite reste une abstraction, une notion toute relative. Tout comme le temps, l’espace est courbe, sinueux, imprévisible.
En témoigne l’itinéraire final, digne d’un Pollock :
- trait bleu : en train (les « toy trains » en bleu clair)
- trait rouge : en bus
- trait orange : en moto / tuk-tuk
- trait violet : à pieds
» agrandir la carte
Si on résume, et pour que vous puissiez me suivre, ça donne dans l’ordre :
Le reste, ce sont les fragments ci-dessous, écrits à la volée dans un petit carnet rouge.
Les indiens sont lascifs. Ou plutôt nonchalant, pour la plupart. Ils traînent la savate, même quand il s’agit de traverser un carrefour où taxis, bus, camions et tuk-tuk circulent en tout sens (littéralement en tout sens, le code de la route, les bandes, tenir sa gauche, tout n’est que théorie).
A part les gosses… qui s’agitent, courent, pleurent, se marrent. Des gosses quoi.
Bien sur, il y a la chaleur qui flirte allègrement avec les 40°, la pollution, la poussière, le trafic, mais après Dakar ou le Caire, le choc – craint ou espéré – n’a pas eu lieu. Oui, la misère est présente, souvent visible, mais sans drame. Je n’ai évidemment pas arpenté la totalité de la ville, encore moins les bidon-villes, mais je ne me suis pas non plus cantonné à Connaught Place. J’ai pris les bus locaux, j’ai mangé dans de petites gargotes, je me suis perdu dans des ruelles sombres où on te regarde parfois d’un air indifférent, voire désapprobateur, parce que ce n’est pas ta place, touriste.
Dans ces méandres, les gosses, encore, par grappe qui lancent des « hello-how-are-you », parfois suivi de borborygmes indescriptibles. C’est censé être de l’anglais, mais c’est parfois un peu flippant. Je pense qu’ils mangent trop de sucre.
A part ça, Delhi ne me heurte pas, Agra et Jaipur encore moins. Qu’en est-il de Varanasi, où on brûle les cadavres le long du Gange ? J’associais l’Inde à une sorte de mythologie misérabiliste, issue de films et de romans, je n’en trouve pas trace dans ce court séjour en Inde du Nord.
A New Delhi, j’ai fait peu de rencontres, à l’exception de mes hôtes AirBnB. Et Hitesh, un ami de Véro avec lequel elle m’avait mis en contact. Il y a aussi Mathieu, ce jeune étudiant français que j’ai rencontré dans un resto la veille de mon départ et qui m’a invité à siroter un whisky-coca chaud sur sa terrasse.
Mais j’avais oublié combien les hostels (paradoxalement, j’ai toujours trouvé que le terme « auberge de jeunesse » un peu vieillot, mais vous voyez l’idée) étaient d’importants vecteurs de rencontre lorsqu’on voyage en solo. Dès mon arrivée à Agra, je tombe sur Theresa qui visitera le Taj avec moi le lendemain matin. Et Antoine et Arlette qui m’accompagneront au Red Fort. Et Barry, ce motard australien qui voyage en Asie du Sud-Est depuis des mois. On se perdra ensemble dans les ruelles en cherchant une bière fraîche. On atterrira dans ce qui ressemble à une école abandonnée. Au milieu de la cantine et des néons clignotant, un frigo. Devant ce frigo, un vendeur, seul lui aussi, qui refusera de nous vendre de la Kingfisher et qui nous refilera un succédané de pils à la place.
« Garam chai, garam chai ! », c’est le cri du du spirou qui arpente les wagons en vendant du chai. On peut pas le louper. Un autre viendra me proposer le repas qui était déjà compris dans le prix du billet. Et 150 roupies pour le service. Y s’fait pas chier celui-là.
Dans le train de nuit New Delhi – Pathankot
Ce soldat sympa qui crèche dans la couchette à côté de la mienne :
« Tie your luggage, thief everywhere here » (en réalité, je ne me suis jamais senti menacé en Inde)
« Take this bottle, eat this, here are some biscuits, call me if you need anything »
(2 minutes plus tard)
« Good night. Seriously, wake me up if you need anything »
(je lui fait part de ma reconnaissance envers les indiens qui se sont toujours montrés accueillants et sympas avec moi)
« It’s normal sir, you are guest of India ! »
La formulation m’a fait rire, j’ai envie d’en faire un logo, peut-être un t-shirt : GUEST OF INDIA ™
Dans le toy train de la Kangra Valley
Une espèce de salade d’oignon que le vendeur sert avec ses doigts, sur une feuille de papier journal. On peut ensuite déchirer un bout de papier dudit journal pour en faire un cuillère. Pratique. Et écologique. Qu’en penserais l’AFSCA ? C’était tentant, mais je ne m’y suis pas risqué.
Photo
Dans le train, ces indiens de 40-50 ans qui ont absolument tous un smartphone semblaient fascinés par mon appareil photo. Je leur ai proposé de prendre quelques clichés et on se serait cru revenu au temps des colonies. C’est étrange qu’ils soient aussi à l’aise avec les smartphones qui leur permettent d’en faire autant et qu’ils soient aussi attirés par un « bête » appareil photo.
Ma théorie, c’est que les appareils photos se sont démocratisés en Europe dans les années 50-60, mais que ça n’a jamais été le cas ici. Ma génération a connu les appareils photo jetables, mais en Inde, on est entré directement dans l’ère du digital cheap. Et le Monde s’est uniformisé. Dans les trains de Bruxelles, du Caire ou de Delhi, les voyageurs ont les yeux rivés sur leur écrans. Dommage pour ce qui était aussi un lieu de rencontre, la fonction véhiculaire subsiste, mais sans substance.
Cet inquiétant petit hochement de tête, qui peut tout aussi bien signifier « oui, pas de problème, vas-y », « c’est noté, ça marche », « mmmmh, pas sur », « à ta place j’éviterais de faire ça, pauvre fou ».
Exercice pratique : interprétez le mouvement de tête donné en réponse aux questions suivantes :
- « est-il possible de rejoindre l’arrêt de bus en marchant ? »
- « peut-on boire des bières dans votre hostel ? »
- « puis-je utiliser vos toilettes ? » (question qui en sous-entend une autre, tout aussi importante : « assumez-vous les dommages collatéraux consécutifs à une potentielle explosion fécale ? »)
Peu de tracteurs dans la campagne indienne. Les parcelles sont à taille humaine. On y trouve des arbres, des faucheurs, du blé essentiellement. Quelques vaches, qui ont l’air en meilleure forme que celles qui vivent en ville et qui mangent les détritus qui jonchent les rues. Et des piles de bouses séchées qui servent de combustible.
Mike, le bout en train canadien du dortoir. Malade, les intestins en compote depuis quelques jours, il s’est dit que ce serait une bonne idée de prendre du LSD en rentrant d’une balade nocturne en forêt. Vers 22h, il est pris d’une chiasse fulgurante. Pas de PQ dans son sac à dos, mais un classique de Charles Dickens, « Bleak House », près de 1000 pages, c’est parfait. A son retour dans la chambre, le livre n’en compte plus que 500. Fou rire général lorsqu’il nous raconte ça dans le dortoir, les pupilles dilatées, surexcité, halluciné… et vaguement dépité. Sorry Charles.
Ca faisait un moment que je n’avais plus pris de train, ça commençait presque à me manquer.
J’ai eu une idée lumineuse au Golden Temple hier soir. Lors de la visite de l’avant veille, le guide avait bien précisé que tout le monde pouvait apporter sa contribution au langar, cet espèce d’immense réfectoire, ce « resto du coeur sikh » qui sert quotidiennement et gratuitement plus de 40.000 repas.
L’idée, vu que je n’avais rien de prévu ce soir-là, c’était de me pointer, de faire un peu de bénévolat en backstage et puis d’aller pieuter. Outre l’aspect charitable de l’opération, j’étais aussi un peu poussé par la curiosité d’approcher cette grande machine de plus près. Au final, rien de plus et rien de moins que ce que j’avais déjà fait à maintes reprises dans divers festivals belges.
Je me pointe donc à l’entrée du langar vers 18h et je tente d’expliquer au mec qui distribue les bols d’eau que je souhaiterais donner un coup de main. S’il pouvait m’orienter vers le coordinateur du truc ce serait top. Il ne parle pas un mot d’anglais évidemment, mais à force de gestes, il finit par saisir l’idée… et me prend au pied de la lettre en me cédant sa place. Je prends donc le relais alors qu’il reste dans mon dos, surpris, dubitatif. Je commence à distribue la quincaillerie fraîchement lavée, je secoue les bols pour vider le fond d’eau de vaisselle avant de servir, de temps en temps il m’échappent et se vautrent dans un grand tintamarre. C’est un peu le bordel, mais bon, j’apprends les ficelles du métier, hein.
Quelques minutes plus tard, un vieux barbu armé d’un bâton vient me voir. Je l’avais déjà croisé la veille, il distribue de temps en temps des coups de canne pour se frayer un chemin. A son turban orange, je devine qu’il s’agit d’un des GO du langar (oui, point de T-shirt ici, on se reconnaît au turban). Il me cause en hindi, et je ne comprends pas bien s’il veut me virer, si j’ai commis une faute grave et je m’attends à tout moment à me prendre un coup de crosse dans les gencives. En fait non, il me demande juste d’aller me laver les mains. Je souris intérieurement en repassant aux conditions d’hygiène toute relatives du service mais, fair enough, j’obtempère.
Je reviens, montre littéralement patte blanche et je reprends la distribution, désormais drapé d’une certaine légitimité. Et je réalise que j’ai commis une erreur stratégique. Vu que ce poste se situe à l’entrée, l’intégralité des affamés défile devant moi. Ce qui signifie aussi que je suis bien blanc, bien visible et bien statique. Sachant qu’on m’arrête déjà deux-trois fois par jour pour faire un selfie avec moi dans la rue, je réalise assez vite que je risque d’être l’attraction de la soirée. Un peu comme si Rihanna venait distribuer de la soupe à la Gare Centrale, sans le déhanché évidemment. Mais bon, je suis en poste, mon prédecesseur s’est esquivé, trop tard pour reculer. Fallait pas faire le malin.
Je baisse les yeux, me concentre sur mes piles de bols, je troque mon sourire contre l’indifférence de rigueur chez mes coéquipiers – oui il paraît que je souris tout le temps, je ne compte plus les gens qui m’ont abordé sur cette base durant mon voyage, c’est excessivement désagréable. Bref, je tente de la jouer à l’indienne et petit à petit, je découvre d’autres subtilités : des grands et des petits bols. Forcément, les gros sikhs d’un m³ n’apprécient pas trop quand je leur refile un petit bol. Il y aussi des gens qui viennent chercher des bols pour y stocker des poignées de riz (ils viennent les mains pleines, littéralement).
Quelques jeunes font des photos en schmet, je les vois du coin de l’oeil. Il y aussi des « vhat-country ?» et des « vhat-your-name ?» lâchés vite fait. Parfois un mec ou une gonzesse s’attarde un peu à bavarder alors que c’est la ruée et que je gicle mes bols en tous sens. C’est assez drôle.
Au final, c’est du 50/50, certains sont (agréablement) surpris, d’autres viennent juste bouffer et sont complètement indifférent (ce sont mes préférés). Je ne sais toujours pas comment procèdent les bénévoles locaux, mais obviously, il n’y a pas beaucoup d’étrangers qui viennent bosser ici… La majorité des touristes se contentent d’un don de quelques roupies en échange de leur assiette de Dal.
Après 2h environ, le vieux barbu revient me causer. Mon hindi est toujours aussi bon, heureusement mon binôme me traduit : « 2 minutes : FINISH ». C’est quasi fini quoi, du moins pour moi. Ca tombe bien, j’ai super soif, ma nuque est raide. 20 minutes plus tard, je m’en vais comme je suis venu et je me mets en quête de la guest house du temple.
L’enfant me regardait en recrachant ses coques d’arachide par terre. L’air hautain de l’enfant roi, seul sur son siège, couvé des yeux par sa mère. Sur la banquette adjacente, la mienne, on a commencé à trois, facile. Puis une grosse mamie est venue s’installer. Puis un gars qui m’a quasi repoussé dans l’allée d’un coup de fesse sec et efficace.
Durant ce temps, l’enfant, se pavanait en crachant ses coques. Chemise à carreaux, cheveux gominé, un vrai winner du haut de ses 10 ans. Et soudain, surgissant de nulle part, non pas un aigle noir, mais une mama qui s’assied quasiment sur lui. Elle est elle-même équipée d’un rejeton qu’elle compte bien allaiter en faisant fi du petit winner qui est désormais écrasé entre son dos et les barreaux qui font office de vitre dans les trains indiens. J’ai bon.
En Inde, il n’y a pas de notion d’espace personnel, pas de politesse ni de fioritures. Que des espaces qui attendent d’être remplis.
Tellement préoccupé par les mésaventures de ce gosse, je ne me suis pas rendu compte que le train, au lieu de me rapprocher de la frontière, me ramenait à Bareilly. J’avais pourtant bien demandé à un local si le train se dirigeait vers Banbasa. J’ai du mal interpréter le foutu hochement de tête qu’il m’a répondu. Ou il n’a pas compris la question, ce qui est également fort probable dans ces trains où l’anglais est une denrée presque aussi rare que l’espace personnel.
Dans tous les cas, je réalise que je viens de me taper 2h dans un wagon surchauffé pour rien. Et je vais devoir me retaper le même circuit en sens inverse pour revenir à mon point de départ. J’ai donc littéralement sauté du train en marche (un des avantages de rouler les portes ouvertes) à la station suivante.
Il est 12h, le soleil tape fort. En remontant dans le bon train (je m’en suis assuré auprès de trois personnes différentes cette fois), je dégote – ô joie – un siège provisoirement libre. Inspiration, expiration, je me détache de mon corps cuit et compacté et me prépare mentalement aux 4h qui me seront nécessaires pour atteindre Bareilly (2h pour revenir à Pilibhit et 2h pour atteindre enfin Banbasa).
Passé les check-points frontaliers, marcher encore quelques kilomètres, plombé par le soleil et mon paquetage. Rejoindre la station de bus en tuk-tuk. Et prendre le bus. Sur la route cabossée qui mène jusqu’au Bardia National Park. Durant 3h.
On ne parle pas ici des nids de poules de la E411, mais d’une route tuméfiée qui vous précipite constamment dans les 3 dimensions, sur des sièges déboulonnés et poussiéreux. Heureusement une musique locale, relativement apaisante pour une fois, accompagne le tout tandis que mon voisin de droite psalmodie et chante, ce qui doit être le tube du moment. J’essaie de décrisper ma nuque, de ne pas résister, poupée de chiffon ballottée par un enfant sadique.
Enfin, Ambasa, un peu de répit… avant une dernière volée de tôle ondulée en tuk-tuk. Enfin, Baba et Krishna m’accueillent tout sourire dans leur resort au milieu de la jungle. Un vrai lit, une moustiquaire, des draps propre, c’est le paradis. Je ne me réveillerai que 12h plus tard.
Damian avait roulé un joint avec la weed récoltée en bord de route, celle qui pousse littéralement comme une mauvaise herbe et qui contient très peu de THC. J’avais donc tiré deux-trois lattes, histoire de tester le produit local. Léger et agréable, mais effectivement pas de quoi s’envoler.
Je l’avais croisé la veille avec sa copine Carol, et on s’était recroisé aujourd’hui sur la route qui mène au Sunset View, un mirador qui donne sur la jungle.
Et nous voilà donc en train d’admirer ensemble ce coucher de soleil digne du « Roi Lion », Carol préparant le café, Damian roulant ses deux feuilles. Il me tapote sur l’épaule et me repasse le joint. La première tournée était inoffensive, j’en aspire une grosse bouffée cette fois.
– Hey bro, how do you like this one ?
– Still good, but still light, right ?
Il me sourit. « Not this one bro, it comes straight from Pokhara ».
Quelques minutes plus tard, je réalise que cette fois il s’agit bien de pollen sélectionné avec amour pour défoncer les petits backpackers innocents (comme moi). Alors que les derniers rayons de soleil s’éteignent, je suis déjà complètement stone. Je laisse Damian et Carol à leurs occupations et je descend l’échelle en me concentrant très fort.
La deuxième prise de conscience, c’est que je n’ai plus aucune idée du chemin du retour, on papotait et je n’ai pas du tout repéré les lieux. En théorie, c’est simple, il n’y a qu’un seul chemin, avec d’un côté le village et de l’autre côté la jungle. En pratique, il fait un noir d’encre, je suis fracassé et je n’ai pas mes lunettes. Autant dire que le retour a pris un certain temps.
Alors que j’essayais de me repérer dans la pénombre, le gars du « Sunset View Bar » m’apostrophe. Il me cause népalais ? Ah non, anglais en fait. Focus. Je me concentre à mort pour lui répondre en anglais sans avoir l’air stone (un petit sursaut de paranoia, même si on est au milieu de la jungle, la consommation de cannabis est relativement illégale au Népal… enfin c’est vraiment très relatif comme je pourrai le constater par la suite). Et tout d’un coup j’aperçois la petite blonde qui était tapie derrière lui. Elle était sans doute là depuis le début mais je ne l’avais pas remarquée. Elle m’explique qu’elle campe dans le jardin du barman. OK.
Je reprends la route, dans ce qui me parait être la bonne direction. Après ce qui me semble des heures au milieu des grenouilles et des moustiques, j’entrevois une boutique qui, bonheur, est encore ouverte. J’y entre dans l’idée de demander mon chemin mais quand j’aperçois ces guirlande de chips et de biscuits, c’est le petit creux post-fumette typique qui prend le dessus. Le vendeur m’a grillé, sans doute parce que je suis resté fasciné par ces sachets, durant ce qui m’a semblé quelques instant mais qui était probablement quelques minutes. Il me demande si je veux goûter un de ces délicieux chips au masala, je saute sur l’occasion. Je ressort un peu plus tard, avec deux sacs remplis de snacks. Merde, je ne sais plus si je venais de la gauche ou de la droite. Je retourne demander mon chemin au vendeur, c’était le plan à la base.
De retour sur la route, j’entends une mélopée, un bourdonnement, oui ça ressemble à un chant lointain… et je manque de me faire écraser par un tuk-tuk électrique. Ça a beau être écologique, ces machines sont un fléau. Et puis j’aperçois des lumières, de petits guirlandes clignotantes au dessus de la rivière, ça fait Pssst ! Crac ! Wizz ! Et putain ça clignote, ça scintille et ça file dans tous les sens mais je n’arrive pas à savoir si ce que je vois est réel ou si mon cerveau fait des bulles (j’en aurai la confirmation le lendemain mais oui, les vers luisants sont monnaie courante à Bardia).
Je continue ma route tant bien que mal, jusqu’à revenir à la civilisation, une flopée de resorts, dont le mien, probablement, mais lequel. Bardia Jungle Wildlife, Bardia Tiger Wildlife, Tiger Resort Lodge, Jungle Adventure Resort… Ils se ressemblent tous, avec leurs noms à rallonge ! Je rentre dans ce qui pourrait être le mien, mais impossible de retrouver ma chambre. Il y a des gens dehors qui m’observent, alors je fais mine de me promener. Mais en réalité, je ne retrouve absolument pas ce putain de bungalow et je finis par faire demi-tour.
Et que voilà ? Un restaurant ? Je rentre et je tombe sur un buffet somptueux de riz, de chapatis, de dhal, de poulet curry… La salle au trésor ! J’hallucine clairement, c’est la faim qui fait ça, ça ne ressemble pas au resto habituel, en plus je ne reconnais personne dans ce bordel. Tant pis, la faim prend le dessus, je m’incruste dans la file de mecs qui viennent manger. J’ai encore mes sacs de courses à la main, je les balance dans un coin et j’attaque le buffet sans trop savoir dans quoi je m’aventure. Alors que je cherche à m’asseoir avec mon assiette remplie de bouffe, un gars m’invite à sa table. En m’asseyant j’ai le déclic – la drogue commence à se dissiper : une bande de 20 motards indiens a débarqué au resort ce matin, et du coup l’équipe a mis les petits plats dans les grands en réorganisant le restaurant en mode buffet. Oui, hourra, je suis arrivé à bon port !
Je taille donc une bavette avec mon interlocuteur, qui n’est autre que le leader de la bande. A propos de bavette, c’est à prendre au sens propre, je bave et je pleure à cause des piments, c’est lamentable. Je mets ça sur le compte d’une faiblesse toute occidentale, il me regarde d’un air vaguement compréhensif, ça passe. L’interrogatoire lambda se poursuivra avec trois autres motards (« vhat-your-name ? », durée, motif du séjour, origine, destination, etc)… Lessivé, je prends congé et je retrouve ENFIN ma chambre. Je jette un œil à l’horloge. Il est 20h. J’ouvre un paquet de biscuit.
En Inde, les « namasté » étaient assez rare. Ici, ils sont plus courant. On à droit à des « namasté » et parfois des « namaskar ». Les gosses disent « namasté-gimme-money » (« one thousand ! », 10 euros les fous !). Dans ce cas, je fais mine de ne pas comprendre. Ou je leur dis « You gimme money ! ».
Les trekkeurs lâchent aussi leur namasté dans un souffle, alors que les porteurs relancent d’un tonitruant « namacht’aaaaay ! ». Il y aussi le « sté », vite fait, équivalent du « ‘jour » ou du « ‘morning » anglais.
C’est l’appel du boy du bus qui mène au paradis des backpackers au Népal. Je n’ai pas encore parlé des bus népalais, et je ne pense pas pouvoir en donner une meilleure définition que celle du Lonely Planet :
Most towns in lowland Nepal are accessible by bus from Kathmandu or Pokhara, but Nepali buses are slow, noisy and uncomfortable, and breakdowns are almost guaranteed, even on the so-called ‘deluxe’ buses. Fortunately, services are frequent enough that you can always hop onto another bus if your first bus dies on a lonely stretch of highway.
On longer journeys, buses stop regularly for refreshments, but travel after dark is not recommended – drivers take advantage of the quiet roads to do some crazy speeding, and accidents and fatalities are depressingly common. In fact, you are 30 times more likely to die in a road accident in Nepal than in any developed country. Some night buses stop for a few hours’ sleep en route, but others keep blazing through the night with the music blaring at full volume. The single best thing you can do to stay safe is to avoid travelling by road at night.
Pokhara (roulez bien le rrrr), c’est grosso modo un grand parc d’attraction pour touriste, entre la station balnéaire et la station de ski, puisque la ville est stratégiquement située entre un immense lac et l’Himalaya. L’herbe y est disponible en abondance dans les hostels et les bars qui longent le lac font couler l’alcool à grand coup d’happy hour (la bière y reste relativement chère ceci dit, de 2 à 3 euros pour une « grande » chope). Je suis d’autant plus surpris par cette occidentalisation que les villes indiennes et népalaises que j’avais parcouru jusqu’ici avaient bien conservé leurs spécificités, aussi touristiques soient-elles. Ici, du moins dans la partie Lakeside de la ville, point de street food mais des restaurants italiens, français, chinois, coréens, etc. Et des magasins de souvenirs et de matériel de randonnée à perte de vue.
Cette pause est néanmoins bienvenue après 20h dans le bus en provenance de Bardia. Ce ne sont pas les trekkeurs qui me contrediront, eux qui rentrent de l’Annapurna Base Camp couvert de coups de soleil et d’ampoules. C’est d’ailleurs le cas de Nick (USA) qui acceptera de repartir avec moi pour un « petit » trek de 5 jours du côté de Poon Hill. Son compère Vinayak, préfèrera jouer la prudence et s’élancer sur les routes népalaises en moto.
Jusqu’ici le trek est très – trop ? – confortable. Nick et moi avons le même rythme et une petite routine s’est installée. On marche d’un bon pas, sans forcer et tout en admirant le paysage, mais le temps de marche est significativement plus court que ce qui était annoncé dans les guides. On se lève vers 6-7h du mat’, on déjeune, on marche environ 3-4h et et vers midi l’étape est déjà terminée. Pour pallier à cette impression de trop peu, on a décidé de rallonger un peu la journée. Aujourd’hui on s’est levé vers 4h pour escalader Poon Hill, qui est un point de vue réputé dans la région. Après une petite heure de marche, on profite effectivement d’un magnifique lever de soleil sur l’Annapurna.
Le plan c’est ensuite de prendre un chemin alternatif par rapport au trek de base. Au lieu de filer vers Tadapani, on va monter encore un peu plus haut, sur Mulde Hill (aka « Muldai Point of View ») avant d’aller dormir à Dobato. A l’intersection de Deurali, on tombe sur une carte qui contredit la nôtre. Plusieurs guides nous confirment cependant la direction à prendre. Une jeune trekkeuse new-yorkaise nous fait cependant cette déclaration qui s’avérera assez juste : you might go off track, but it will be fun.
-
-
Muldai – Dobato : 30 min
-
-
On pensait devoir escalader cette montagne…
-
-
… mais on se retrouvera en réalité bien plus haut.
On bifurque donc, délaissant le trail principal pour un trail secondaire totalement désert. On aperçoit au loin ce qui nous semble être le Muldai, en tout cas une montagne bien raide. Le chemin est bien balisé, entouré d’un très belle forêt qui nous protège du soleil. Après 2h de marche, nous arrivons enfin au sommet et on réalise qu’on est encore plus haut que prévu. Tout fiers, on s’offre une orgie de PB&J (un repas typiquement… américain : sandwich au beurre de cacahuète et à la confiture). Mais bon, le temps se couvre et avant la pluie, on se dirige rapidement vers Dobato qui n’est théoriquement qu’à… 30 minutes de marche.
Le problème c’est que le trail a disparu. Impossible de trouver un panneau ou une quelconque balise qui nous indiquerait la suite du chemin. Les seules traces humaines, ce sont des restes de cabanes (vaguement inquiétants pour quiconque a vu The Blair Witch Project). Néanmoins, on connaît la direction générale, on aperçoit au loin des bâtiments bleus qui sont probablement des guest-houses. Fort de nos conclusions, nous amorçons donc la descente, on finira bien par retomber sur le trail en cours de route.
Nous serpentons entre les rhododendrons et les rochers, mais la forêt s’épaissit. Bientôt les bambous remplacent les arbres et pour avancer, je suis contraint d’écarter et finalement d’écraser les bambous (merci à Nick qui enrichit mon vocabulaire avec ce nouveau terme anglais : le bushwacking). A quelques reprises je manque de m’empaler dessus et je décide de ralentir la cadence. Si l’un de nous se blesse ici, on est vraiment dans la merde. Nick reste un peu en retrait, d’une part parce qu’il porte un énorme sac à dos, d’autre part parce qu’il n’a toujours pas digéré le Dal Bhat d’hier soir. Du coin de l’œil, je vois qu’il souffre en silence. De temps en temps j’entends un go ahead, I’ll join you in 2 minutes et il s’écarte du chemin pour laisser libre court à ses bowel movements. Les bambous deviennent plus épais et plus denses, à un moment je ne parviens plus à les bushwacker. Nous longeons un ruisseau à sec depuis quelques temps et la seule solution est désormais de marcher dans le lit du cours d’eau qui passe sous les bambous. On avance courbé et la fatigue commence à se faire sentir. Il n’est que 14h, mais l’air de rien, nous avons déjà marché près de 10h, avec quelques pauses.
Le ruisseau rejoint finalement une rivière plus large et l’eau coule à flot cette fois. Du coup, les rochers sont recouverts de mousse et deviennent super glissant… Je mesure chaque enjambée très précautionneusement mais Nick commence à avoir du mal à tenir à la cadence. Par ailleurs le ciel se couvre toujours plus et la luminosité baisse. Le soleil se couchera vers 18h, ce qui nous laisse quelques heures pour rejoindre la civilisation… mais à ce rythme il n’est pas certain que nous parviendrons à quitter cette jungle avant la nuit.
Après quelques glissades, heureusement sans conséquences, je commence à envisager sérieusement de camper ici et à chercher un abri. S’il se met à pleuvoir, ce sera encore plus compliqué. Alors que Nick s’absente pour se soulager, je fais le bilan : après tout, on a de l’eau, de quoi la purifier et de la nourriture ; finalement passer une nuit dans la jungle est peut-être moins risquée que se casser une jambe en continuant à avancer. Je n’ose pas encore en parler à mon coéquipier qui revient tout pâle en serrant les dents ; il semble prêt à en découdre encore un peu. Nous reprenons la descente jusqu’à ce que la forêt s’éclaircisse légèrement. Un détail attire mon attention : quelques déchets jonchent la rivière à cet endroit. En regardant plus attentivement : oui il s’agit bien d’un chemin !
Tout sourire, je fais signe à Nick de me rejoindre, on a rarement été aussi content de trouver de vieux paquets de clopes en pleine nature. Au bout d’une demi heure, on distingue à nouveau les guest-houses, elles sont toutes proches cette fois. Un villageois nous attend alors que nous surgissons des bois, il nous a vu arriver de loin. Il nous regarde d’un air surpris quand on lui dit qu’on vient du Muldai ; comme il peut le constater, nous n’avons pas emprunté le trail officiel. Mais d’après ce qu’il nous dit, nous ne sommes peut-être même pas passé par le Muldai proprement dit, qui était apparemment un peu plus loin. Il hoche la tête (à l’indienne, donc ni-oui-ni-non), very very dangerous. Sans blague. On est à Dobato ? No, Isaru. On est sauvé en tous cas.
Tea ? Évidemment !
En broken english, on peut traduire ça par « are you travelling alone ? ». La réponse à cette question n’est pas aussi évidente qu’elle en a l’air. Oui je suis parti seul de Bruxelles. Mais on est rarement seul en Inde ou au Népal. Rien que le fait d’entendre cette question le prouve. Et d’autres questions suivront, peut-être même une conversation, si la barrière de la langue n’est pas trop élevée, selon l’intérêt de l’interlocuteur aussi. A partir de quand est-on seul ? A partir de quand ne l’est-on plus ? Il m’est arrivé de discuter durant 4h non-stop avec Krishna, un indien rencontré sur le train entre New Delhi et Jaipur.
Dans les hostels, les conversations se poursuivent parfois par un verre, un resto, un bout de chemin ensemble. C’est comme ça que Nick s’est retrouvé embarqué avec moi pour 5 jours de randonnée. Peut-on faire confiance à quelqu’un dont on ne connaît que le prénom. Apparemment, oui.
Cette question « You are one ? », on pourrait aussi la prendre au pied de la lettre : « Es-tu un ? ». Sans compromettre mon intégrité physique, je peux raisonnablement affirmer que oui, de la plante de mes pieds à mon cuir très chevelu, je suis entier, peut-être même unique. Mais ce n’est qu’une unité d’apparence, car sous le capot, je suis plein de voix (Miossec), au point que je doute parfois d’en avoir une qui me soit propre. Dans certaines situations, je vous entends vous, les amis, même si vous n’êtes pas là. « Hombre, la vie c’est une ! », « Putain mec, flambe tout, tu vas pas chicaner pour 10 € ! », « On va cruiser ? », « Va pas par là, c’est chez les gens ! ». Il y a aussi les images que j’ai en tête, celles que des écrivains, des réalisateurs, des dessinateurs ont instillé dans mon cerveau. « Flash » de Duchaussois, « Les Chemins de Katmandou » de Barjavel, et bien évidemment « Jonathan » de Cosey, qui est peut-être à l’origine de ce voyage.
Petit coup de blues, suite au départ de Nick et Vinayak. C’est fou comme on s’habitue à avoir une présence continue, même après quelques semaines de voyage en solitaire. Hier j’ai pris mon premier repas seul depuis une semaine. Quelque part, je suis content de retrouver mon indépendance, mais aussi un peu nostalgique de la petit dynamique qu’on avait instauré durant le trek. Le serveur du Punjabi Restaurant est venu me demander « More something » à trois reprises alors qu’il venait de m’apporter un thali qui aurait pu nourrir une famille.
More rice ? More friends ? Pour profiter de l’abondance, il faut aussi savoir goûter la faim.
Et quelque part, en vouloir toujours plus alors qu’on est déjà rassasié, c’est terriblement humain.
Je me suis attardé plus que de raison dans ce Disney Land hippie. D’autant plus qu’il y avait une full moon party dans un cottage tout proche. Au programme : acroyoga, voice experimentation, jonglerie, drogue et alcool aussi, évidemment. Le tout partagé avec Sarah, ma nouvelle coéquipère allemande. Indy, le backpacker anversois qui nous avait accompagné nous lâchera en court de route.
Mais encore une fois, on est jamais seul très longtemps, je rencontrerai rapidement ce couple improbable et attachant, Ljubljana et Silent Baba. Elle est russe, il est complètement… baba. Ils se sont rencontrés à Varanasi, ils ont vécu un voyage intense enfermés dans les toilettes d’un train indien pour échapper aux wagons bondés de la seconde classe. En tous cas, ils ne se sont plus quitté depuis.
Baba débraillé court dans tous les sens, tirant régulièrement sur son shilom. Ljubljana, toujours accompagnée de son appareil photo et de son immense objectif, le suit du regard. Je lui demande si elle est photographe, elle rit discrètement. Elle se marre franchement quand je l’appelle Ljubljana parce que j’avais zappé son prénom. Elle me parle aussi à demi-mot des événements terribles qu’elle a traversé. J’ai mes feutres avec moi, elle préférera les dessiner. Baba, m’écrira également un bout de son histoire.
Et Eduardo, l’espagnol chantant me laissera ce tattoo psychédélique sur l’avant bras. Never trust a hippie !
Je rentrerai un peu plus tard, et un peu euphorique, avec ce libanais tout aussi perché dont Indy m’avait parlé quelques jours auparavant. Le gars s’est fait pécho lors d’une descente de police dans son hostel, avec des chiens et tout. Je ne sais pas comment il a fait son compte, mais il s’est fait coffrer, chose très rare pour les touristes qui parviennent généralement à s’en sortir en lâchant quelques roupies. Enfin, ce n’était apparemment pas si terrible… « Seulement trois jours dans une cellule de quelques mètres carrés, avec 20 autres détenus. Heureusement j’étais sous protection des gangsters locaux ».
On remet ça le lendemain, mais la pluie a fait son entrée et la plupart des workshops sont annulés. L’ambiance est moins folle et on se rabattra néanmoins sur le Movie Garden et sa fameuse pizza-camembert dont tout Pokhara raffole. So much pour les hippies et la culture népalaise.
Je retrouve rapidement mes marques au Phat Khat de Katmandou, en moins d’une heure je me retrouve attablé avec une bande de français et une belge de… Jodoigne. Ils m’ont entrainé dans un grill où ils commanderont chacun un énorme steak. Visiblement, la consommation de Dal Bath (riz-lentille, le plat national népalais) sur une longue durée crééent des traumatismes chez les plus carnivores d’entre nous. Je me contente d’un demi-filet bien poivré et je suis le seul à m’abstenir d’alcool. Ils sont sympas mais fort bruyant. Je les vanne là-dessus, ils en ont bien conscience, mais en bons français, ils assument. Le resto s’en cogne aussi de toute façon, ils vont faire le chiffre d’affaire de la soirée en débitant l’équivalent d’une vache (sacrée (de Calcutta) ) pour ces affamés.
D’ailleurs, le saviez-vous ? L’Inde est le premier exportateur mondial de viande bovine, si, si !
J’ai un peu chopé la crève ces derniers jours, la pollution et la poussière de Katmandou n’arrangent rien évidemment. Ceci dit, pas de repos pour les braves, cette dernière journée est dédiée à l’achat de souvenirs et aux négociations acharnées avec les vendeurs. Alors que je m’approche de Kaathe Swyambhu a la recherche des plus beaux prayer flags, je tombe sur cet énième guide qui est également étudiant en art et qui tient absolument à m’emmener voir ses mandalas. Il sort son baratin, je sors le mien : « je suis un très mauvais touriste, pas de sightseeing pour moi aujourd’hui, mais bonne chance mec, today is your day, I’m pretty sure you’ll catch plenty of good tourists ». On se quitte là dessus et je continue ma mission shopping à Patan, à la poursuite du bol chantant perdu.
A mon retour, à peine descendu d’un microbus bondé, je retombe sur le même guide qui sirote un thé à l’endroit où je l’avais quitté. Evidemment il m’apostrophe à nouveau, mais cette fois pour m’offrir un chai et me raconté sa journée. Appellons-le Vishnu. Et ben contre toute attente, aujourd’hui était un grand jour pour Vishnu : il a pu choper du bon touriste et surtout il est convaincu que c’est grâce à moi, que je lui ai porté chance, et tout.
Bon, il tente quand même de me fourguer une dégustation de bière de riz maison, mais c’est fair-play et je suis sur le point d’accepter quand trois silhouettes s’arrêtent devant moi. Surprise, revoilà Baba et Ljubljana, accompagnés par un troisième larron russe. Ils sont à la recherche de weed, ce qui n’est guère surprenant étant donné leur imposante consommation quotidienne. En attendant, je leur propose de célébrer ces retrouvailles inattendues autour d’un thé. Gagné par la bonne humeur générale, Vishnu se propose d’aller dégoter le carburant. Il reviendra tout tremblant 15 minutes plus tard. C’est clair qu’il prend un gros risque en jouant le middle man, mais au final la tola, la barrette, semble tout à fait honnête.
Du coup, on va la boire tous ensemble cette bière de riz, histoire de fêter ça. Vishnu nous introduit dans un resto familial, sans indication extérieure. On est vraiment chez les locaux, il nous demande de faire profil bas et de ne pas prendre de photos. L’alcool arrive dans une cruche en plastique rouge. Le liquide blanchâtre qui s’en écoule ressemble à de l’eau de riz – et c’est vraisemblablement ce dont il s’agit – mais ça a effectivement un petit goût sucré, alcoolisé et ma foi, pas désagréable. Je suis moins certain de l’impact de ce genre de boisson sur mon estomac, a fortiori la veille de mon départ et des 15h d’avion qui m’attendent le lendemain… mais bon, « la vie c’est une ! ».
On poursuivra la soirée sur le toit de l’hôtel de Baba et Ljubljana, avec une petite bière de départ, une vraie cette fois, accompagnée de quelques momos (non, ce n’est pas une drogue, quoique, juste d’excellents raviolis népalais, sauce piquante). Baba, toujours aussi magique, sort un lapin de son chapeau (bon OK, il n’a pas de chapeau mais j’vous jure qu’il trimballe un lapin dans ses bagages). Je les quitterai vers 22h, alors que la soirée ne fait que commencer pour eux. Sans trop d’effusions, le sourire aux lèvres, on se reverra peut-être dans un autre pays, ou une autre dimension…
Une dernière surprise m’attend alors que je me perds dans les ruelles de Thamel. Je lève le nez de ma tablette et je réalise que Carol et Damian me regardent d’un air amusé. Ils sont assis sur le trottoir. Damian s’apprête à jouer du violon histoire de payer le taxi jusqu’à l’aéroport le lendemain. L’horaire de son vol ? Identique au mien.
Quelques articles qui m’ont inspirés :